TRANSATLANTIQUE EN SOLITAIRE





Les deux premières nuit se sont passées dans le cockpit, je dormais à la belle étoile sur un petit matelas de plage. Le trafic était important entre La Guadeloupe et Marie Galante. Il y avait pas mal de pêcheurs, et nombreux sont  leurs casiers.  Il vaut mieux rester sur le pont avec une torche! 

Voilà, plus de terre à l'horizon, j'avais eu du temps pas top les deux premiers jours, et puis le soleil fit son apparition pour quelques jours. Les poissons volants sont au goût du jour, planant inlassablement, atterrissant sur le pont de temps à autres, les pétrels aussi rasant les crêtes des vagues, aucune envie de faire demi tour, j'étais à fond dans ma nav, pensant au bateau, et je réalisais que la solitude ne serait pas un problème.
J'appréciais le fait d'être bercé par la mer, à écouter l'eau filer sous la coque, en fait , comprendre "Escale", savoir quand elle (on dit "she" en anglais, pour un bateau, soit "elle", alors, je fais de même en français: "elle" est sur ou sous toilée, je me mettais en osmose avec la bibiche.








J'ai un sourire aux lèvres en voyant cette photo, accrochée dans le pataras on peut voir la petite lanterne ainsi que la bouée fer a cheval.
 Je ne savais pas encore  qu'une tempête nous tomberait dessus, et que plus grand chose ne resterait sur le pont.
Quel plaisir de naviguer au soleil, la douce chaleur de l'alizé, pendant de belles conditions comme ce jour là, je prends mon pied à cent pour cent, aucune envie de rentrer: la mer bleue, le ciel bleu, des poissons volants, des dauphins. Du vent, des surfs, bon c'est pas une fusée, mais çà accélère quand même un peu hé-hé.




La photo rend moins bien la taille de la houle, on voit une vague ici, elle est grosse et allongée, difficile à voir, je sais, mais c'était un plaisir d'admirer ce reste d'une tempête qui passait au nord. Ça me changeait de la manche ou de la med!




Zut le paradis n'existe pas, voila un calme, l'enfer du marin naviguant à la voile, ça n'avance plus, ça roule, c'est chiant. J'en avais  profité le matin pour vérifier la tension des intermédiaires, et l'après midi le vent était tombe. L'ennui c'est que j'étais situé dans  une zone fréquentée par les cargos, du coup la veille est indispensable. Et sinon essayer de se reposer le plus possible.





Allez, c'est reparti! Vent arrière très faible, mais il faut grappiller les milles même en croisière!
Les vents ont été variables, on doit être le 03 avril, j'en avais profité pour nettoyer un winch,
celui bâbord amure pour le génois. Aucun problème pour le remonter, du coup je m'étais attaqué au deuxième! Et au moment de remonter le cylindre final, plouf... petite vague petit  roulis, ou tout simplement un peu trop de confiance, et un geste trop brusque. Malheureusement je me situais au dessus de la plaine abyssale de Nares,aux alentours des 5000 mètres de profondeur...
Du coup j'ai du me séparer du winch servant pour les renvois de deuxième ris, le hale bas de bôme, bref au moins j'ai mes deux winchs pour le génois et celui pour la drisse de grand voile qui me restent! Faudra faire avec...mais je me sentais tellement bête d'avoir fait une boulette pareille.
Et ces vents instables! Hop, tu hisses la grand'voile pour que Escale avance, tu t'octroies une sieste express, et vlan, le vent tourne, juste le bruit de la voile claquant inutilement, les poulies à grincer, tout un tointoin qui vous faits sauter de votre couchette, pour soit border la grand voile à plat, et amener le génois, ou alors tout affaler si vraiment plus d'air et de la houle. C'est le plus emmerdant car la tranquillité n'existe pas dans un roulis, occupé toujours à chasser tout petit bruit suspect. Ying & Yang sont présents même ici au milieu d'un désert liquide et circulaire, à chaque jour suffit sa peine, mais on apprécie plus les bons moments, ou à voir le bien dans le mal.








Et Bien non, encore un calme! J'avais à peine hissé les voiles qu'il faut les affaler, les entendre claquer, les poulies grincer, autant tout ranger!
J'affale soit quand il n' y a pas de vent ou alors quand il en a de trop!








Mais la beauté de la terrasse remet vite le moral au beau fixe!Certes une sirène serait la bienvenue dans un tableau comme celui-là...






Le vent est revenu, les jours s'enchaînent. Il y'a beaucoup de choses à faire sur un voilier, et tout seul,
les corvées, les réglages du bateau, se nourrir, laver, bref j'étais tout le temps occupe.


Depuis le départ je me suis donné comme objectif de faire comme si je n'avais pas d'instruments, et de
naviguer de manière traditionnelle. Chaque matin vers 10 heure locale, je prenais le soleil au sextant pour avoir une droite de hauteur, naviguant au même cap jusqu'au zénith pour avoir une méridienne et ainsi faire un point astro. Sincèrement, il faut deux ou trois fois le faire avec des notes expliquant les calculs, au début. Mais après, trouver son point devient presque un calcul du temps de l'école primaire. Aucune grosse gloire à tirer de cela finalement. Ce qui est plus compliqué, c'est de faire une estime correcte, surtout quand on traverse une zone de courant variable,des vents variables et faibles. Avec une vitesse de 2 noeuds ( NDLR: un Noeud  = 1852 mètres à l'heure) et un courant de près d'un noeud, je vous assure qu'il faut bien en tenir compte pendant l'estime.
A un moment j'ai laissé le bateau dériver pendant 2 heures, et de là j'ai pu mettre un vecteur sur ce courant variable en force et direction. En attendant je vidais la cabine avant pour éponger les fonds qui prennent un peu d'eau.
C'est clair qu'il y a des jours ou le ciel est tellement charge en nuage, que les observations astronomiques sont pas possible. 
Il m'est arrive de prendre une droite de hauteur, et que la suivante se faisait près de 30 heures plus tard. Avec un livre de bord à jour, et le transfert de position obtient un point très correct.
Mais ces calculs occupent les jours, et les visées passent des fois avant la sieste!


Comme je le disais, j'ai pas mal de journées de pétole, avec de la pluie, ce qui est plus pénible, tout est mouillé, et rester à l'interieur plus d'une journee de suite, j'avoue qu'il faut prendre son mal en patience!
J'ai du ronchonner plusieurs fois ,a crier pourquoi, pourquoi de telles conditions?
C'est la nature, les dauphins qui passent ces jours là, que je garde le moral et que ces ronchonements ne durent jamais longtemps!
Et puis bon, l'eau douce fait un bien fou au gréement.
Mais il faut sortir car quand il pleut la visibilité n'est pas bonne, et sans radar ou AIS, seul ma veille compte!          (NDLR: AIS: système d'indication automatique de la position des autres bateaux en mer)


12 avril, le vent est remonté venant du sud ouest, avec des pointes à 40 nds, mais le baromètre indiquait 1014 hpa, une forte houle, la grand'voile est affalée, je suis avec un génois bien enroulé, Escale avance pas mal, on est secoué, mouillé, obliger à barrer souvent pour soulager le pilote automatique.
C'était le premier coup de tabac d'une bonne durée, parce que il y a eu pas mal de grains, qui peuvent être violent, mais ils ne durent pas.
Là j'ai 35 a 40nds pendant 2 jours, après le vent s'est gentiment cassé la gueule, passant à l'ouest.








C'est vendredi 13 avril, il pleut des cordes, l'eau rentre à  l'intérieur, cabine arrière trempée, carré trempé, bref, ambiance moins rêvée.
J'étais dégoûté, les poissons volants se faisaient rares, avec ce ciel gris, la mer se faisait grise aussi.
J'avais besoin de charger les batteries, mais sans soleil pas de panneaux!  Charge trop lente, trop faible. La houle était forte et l'échappement du moteur au ras de l'eau contraignait à une utilisation du moteur pour ne pas risquer d'embarquer de l'eau. Donc, sans soleil, sous la pluie pour travailler au gazole puant, le peu de vent me ramenant les gaz d'échappement dans le cockpit, je lis après coup dans le livre de bord que ce ne fut pas la joie! J'ai fait du nord avec les vagues venant du sud, ainsi mes batteries furent un peu chargées, et surtout moins de roulis, car le vent était tombé, mais l'ambiance devenait infernale à bord.
Ce n'était encore rien, je ne savais pas ce qui allait me tomber dessus, dans quelques heures!










 Samedi 14 avril, le vent a continué et est revenu  aux alentours des 35noeuds, du nord nord-est,le baromètre est à 1016hpa, la grand'voile affalée, on avance au largue bâbord amure, la mer est grosse, la visibilité est bonne,des averses passagères,des éclaircies.
Je me trouvais en haute pression. A bord j'ai un téléphone satellite, chaque jour j'envoyais ma position, et une fois par semaine, en moyenne et suivant la possibilité de réseau, je recevais la météo à venir.
Phil,ami,et propriétaire du bateau, m'annonça du gros temps, aux alentours des 40noeuds de vent.
Mon père suivait aussi la nav. depuis son PC, et, avec les programmes informatiques délivrés par les GRIP US, plus d'autres services encore, Comme le programme américain Open CPN, et s' accordait avec Phil, en général, pour savoir quoi me transmettre...
J'étais étonné, car le vent était déjà fort.
J'avais senti dans la toilette des odeurs de carburant, du coup je me suis tout de suite penche sur le moteur diesel, et rien n'était anormal.(cela sentait plutôt l'essence, mais à la longue, tout se mélange)
La dessus les rafales, les sorties sur le pont, le bateau tenait le cap, mais il fallait vider les cales pour voir d'où venait cette odeur. La nuit arriva évidemment. Réduisant au max la consommation de courant car les batteries restaient faibles, le moteur n'ayant pas tourné longtemps l'autre jour. Et au niveau solaire, il y avait trop peu de soleil, le jour.
Du coup, j'ai mangé des crackers au pâté, trop peur de mettre une flamme dans cet air puant le fuel.
J'attendais la levée du soleil pour pouvoir poursuivre la recherche.
Finalement, c'était le moteur hors bord de l'annexe qui avait bougé dans la cale pendant le coup de vent, et il avait perdu de l'essence.
Ouf, tout est rangé!
La journée du 15 avril se poursuit , le vent est passe au nord, pointe à 27 noeuds, plein soleil, le moral remonte.
J'en profite pour revider la cabine avant : je dois expliquer que dans cette cabine se trouve deux planches à voiles, leurs mats et voiles, plus un spi, bref c'est une petite heure que je passe à vider éponger les fonds et tout remettre en place.
J'ai passé du temps aussi à tout vérifier, tout caler, ranger dans le reste du bateau, bourrant des draps et des essuies dans les équipets  pour empêcher la casse. Lorsqu'une grosse vague nous frappa de plein fouet, j'avais eu droit au vol du tiroir de la kitchenette, d'un côté à l'autre bout du bateau.


Toutes les poulies sont graissées, je me prépare a pire, en espérant le meilleur.
Les 4 photos suivantes sont prises pendant la haute pression, ce n'est pas encore la tempête, on est a 40 noeuds de vent.






La pression barométrique continue à monter, je m'attendais à l'inverse...
je me suis prépare une grosse ration de riz avec du thon et de la mayonnaise, j'étais fatigué, cela fait 3 jours que c'est baston, sans compter les heures passées à ranger, trouver l'odeur de l'essence, souvenez-vous, au lieu de passer ces précieuses heures à me reposer.


16 avril.
Faible visibilité, des averses, la tempête arrive, le début du coup de vent se fit vers 04:00 du matin,
je suis en fuite vers le sud sud-est. Le génois est bien enroulé, il ne reste que le string de Madonna...
Les rafales à 43 noeuds de vent, la mer déferle sur le pont, le pilote est en marche, j'essaye de prendre des forces, je savais que quelque chose se formait au dessus de nous.
Je me suis planté plusieurs fois dans le bateau, tombant de ma banquette, malgré la toile de retenue,
j'avais bloqué tous les équipets, et j'avais mis de côté des biscuits, des fruits secs, pour tenir le coup.
Impossible de se préparer quelque chose à manger dans ce coup de tabac...
Il faut se tenir, s'agripper, les vagues martèlent le bateau avec une telle violence, je n'avais pas peur, mais me demandais si la coque tiendrait, si Escale résisterait, tant c'était puissant!
Je reste aux aguets, j'observe,j'écoute, tente de somnoler, et je regarde le baromètre qui descend, descend...
Vers 07:30 local, le vent est stable entre 45 et 50 noeuds, baromètre à 1009hpa, dans mon livre de bord, les vagues sont entre 5 et 10 mètres, mais je n'arrivais pas bien à juger de la taille de ces mastodontes.
Je suis assis dans la descente, à observer le pilote travailler, les vagues restaient dans le quart.
J'entends une grosse déferlante, je me retourne, et malheur, une autre se lève par dessus et inévitablement, Escale roule, part au loff avec l'inertie de la vague déferlante...on est couché! Le pilote sonnait, débranché!
Dans le choc, comme je le disais j'étais assis dans la descente, et au dessus de moi, la capote de pont a explosé sous la masse d'eau, claquant et se réduisant à l'état de confettis.
Il ne restait que la tirette, qui évidemment était impossible a défaire, bloquée par le sel, la corrosion...
A toute vitesse, le leatherman fit son travail, (NDLR: petit "couteau suisse" à tout faire, indispensable pour un marin) et tout l'arceau fut rangé vaille que vaille, dans la cabine arrière. J'avais laissé Escale sous cape courante avec un mini string de génois.(voir Madonna, hé hé hé)


A l'intérieur le plancher s'était soulevé, les bouteilles d'eau roulaient à l'intérieur, mais ma place était sur le pont. J'avais vite remis de l'ordre à l'intérieur pour qu'il n'y ait pas de casse.
Équipé de mon harnais, un de chaque côté, je suis resté à la barre. Le génois est presque entièrement enroulé, et on surfé à plus de 8 noeuds. J'avoue que j'ai pris du plaisir! Au début, je sentais la mer, et c'était un exercice ou toute la concentration est nécessaire. Il faut bien garder la vague dans le quart arrière, abattre avant qu'elle ne fasse lofer, et laissant la barre revenir pour ne pas rouler de l'autre côté de la vague, empanner et chavirer..
De temps à autres, je poussais des cris de joie, sur des surfs , Escale tremblait, elle partait presque au planning..
Mais passé 50 noeuds de vent, cela devenait de plus en plus dur de gérer la piste de luge.
Le bruit est fort en tempête, le bruit de la mer déferlant de partout, c'est vraiment puissant et beau...
On se sent vraiment tout tout petit.
Soudain j'entends une vague plus forte, je me retourne et, ahuris, mes yeux fixaient une énorme déferlante, un tube de plus de 100 mètres de long, comme si on était sur une plage d'hawaï. Si elle me prenait de côté, je pense qu'on aurait fait plusieurs tours sur nous-même! Elle était au vent, mais le coup classique, en déferlant et en abattant dedans, une autre sous mon vent se brisa net, nous faisant à nouveau loffer, et "Escale" se coucha dans la vague, laissant un déluge de plusieurs tonnes d'eau s'éclater sur le pont, dans le cockpit, et, bien entendu,  à l'intérieur aussi!
Je ne me mesure jamais à la mer, je n'y ai jamais vu de combat entre elle et moi. Il n'y a même pas de match, elle gagnerait toujours! Je vois l'océan comme des portes, et le marin avec un grand trousseau de clés qui ouvre les humeurs de la mer. Il faut anticiper, s'adapter, et ne pas se laisser dépasser par les évènements.
Me résignant, j'enroulais ce qui restait de voile, pendant le couchage et le déluge, les jumelles s'étaient retrouvées accrochées à l'hameçon de la canne à pêche qui était fixée au balcon arrière, le panneau solaire pliable lui aussi était presque au jus. Je note que mes genoux tremblaient, j'avais eu une dose d'adrénaline assez forte, car moi-même je pendais à mon harnais, j'avais pu garder un doigt sur la barre.
Je ne pense pas avoir eu de la chance, j'ai fait ce qu'il me semblait juste, mettre deux lignes de vie, et c'est grâce a cela que je n'ai pas fini à la traîne.
Il est 15:00 de l'après midi, le pont est rangé, plus rien ne traîne, tout est assuré, je dérive à la cape sèche, j'ai la tremblote, manque d'énergie, j'essaye de me faire quelque chose à manger.










Le baromètre a encore chuté, il se situe à 995 hpa, le vent reste entre 55 et 60 noeuds,
J'avais presque pas dormi, et vers  11h du matin le 17avril,
Je ne peux dire la vitesse du vent, l'anémomètre a lâché, j'étais sur ma banquette tribord,
en essayant de fermer l'oeil quand un bruit me fit sursauter, un train arrivait, ce bruit a duré quelques longues secondes, et comme ci un bulldozer venait d'éclater en mille morceau Escale,
je n'ai pas eu le temps de penser à grand chose, je me suis retrouvé allongé sur la banquette bâbord,
j'avais volé de l'autre côte du bateau, me retrouvant dans la même position étendu dans mon sac.
Mais sur moi se trouvait plein de conserves, des bouteilles d'eau, des manuels, de la poudre à lessiver, et encore d'autres choses. En fait ces banquettes sont des coffres, et celle de tribord était vide, son contenu se trouvait dans l'autre banquette , où les batteries étaient renversées, les fixations avaient lâchées. Les connexions du panneau solaire, arrachées.
Je ne sais pas combien de minutes exactement j'ai dû rester là, mon regard se posa sur le sol, et tous les planchers sans exceptions n'étaient plus en place.
Je restais groggy, j'avais le bruit en tête, un déluge qui dure, l'explosion de la vague, la chute du bateau, de voir l'eau rentrer par le capot me suffisait pour comprendre que nous avions presque complètement chavire.
Le bateau revenait droit, je me suis assis dans la descente, sur mon perchoir. J'observais de longues minutes le désastre. Un pot de sauce bolognaise éclaté, les équipets, le sol, la glacière, de l'eau partout,
j'étais choqué.
Même les lampes du plafond pendaient misérablement en dehors de leurs logements.
J'étais à bout, je peux le dire, j'en avais marre, mais la mer, elle, continue son travail.
Je vais sur le pont, je veux être certain d'avoir mon mat. Dehors, la bouée d'homme à la mer s'est décrochée, elle flottait derrière, le feu à retournement à côté.
La petite lanterne de pont, partie. La girouette de tête de mat est pliée, et l'anémomètre ne fonctionnait plus.
Le coffre du cockpit était ouvert, juste un seau de perdu, et des éponges. Petit à petit je réintégrais la réalité et rangeais, le vent baissait peu à peu, la tempête fini par passer.
Il me fallut près de 2 jours pour ranger ce capharnaüm, heureusement, à part des petits coups à gauche et à droite, causés par divers projectiles, on s'en sortait bien, moi je n'avais qu'une bosse au dessus d'un oeil.
J'ai réussi à remettre en place les batteries et les raccords du panneau solaire.
Après avoir rangé le plus possible pour au moins me permettre de renaviguer. Je devenais claustrophobe à force de rester enfermé, et puis ça puait, tout était humide, et donc, nous revoilà partit fin d'après midi du 17 avril.
J'ai pu dormir pendant la  nuit, deux ou 3 heures par tranches de +/- 50 minutes.
La journée du 18 avril m'a permis de remettre en ordre d'autres soucis techniques.
J'ai enfin pu communiquer ma position, mes parents étaient soulagés de me savoir sain et sauf.
C'est pendant le coup de téléphone que j'ai craqué et que des larmes ont coulé.
J'en avais vraiment marre de rester à l'intérieur, il pleuvait souvent, et même après la tempête je ne pouvais sortir que le temps de prendre une bonne bouffée d'air frais. C'est cela le plus dur pour moi, rester enfermer, et la pluie.












Les jours passent, le temps n'existe plus, j'ai eu droit à des vents très instables pendant 3 jours suivant la tempête.
Il y eu un gros grain une nuit, malgré les 2 ris et le génois enroulé, j'ai du bondir sur le pont, pour affaler la grand'voile, l'anémomètre ne fonctionnant plus, je ne peux dire combien de noeuds de vent il devait y avoir, mais c'était impressionnant, C'était une nuit sans lune, Escale presque couchée, moi mes deux bras autour de la bôme, en la ferlant et la sécurisant avec un bout.
Le pilote automatique se débrancha, et Escale parti au lof. Je me suis retrouvé d'un coup au dessus de la mer, enroulé autour de la bôme, l'écoute avait lâché d'un coup. J'ai eu chaud, très chaud.



En tous les cas les poissons volants, le bleu de la mer, les alizés chauds et réguliers et le soleil sont loin.
Cela fait des jours que le temps est pourri, du calme à la tempête, à la pluie, aux grains, au vent de face et variable, certaines journées, il fallait que je souffle, relativiser un max, et ces jours là, souvent les dauphins pointent leurs nez!
De sacrés petits coquins, ils aiment me surprendre, jouer sous l'étrave du bateau, faire des sauts,
et d'un seul coup, tout redevient magique, le coeur réchauffé, je me sens mieux.
Pendant plusieurs jours, j'ai pu reconnaître une bande de dauphins, car deux d'entre eux avaient leur aileron abîmé, comme une morsure. Et les autres des petites dépigmentations.
Quand je lève la tête, je vois toujours les pétrels, chassant inlassablement, toujours avec le touché d'un pilote de chasse. 


Gros calme! 
C'est la pétole, après avoir eu de faibles vents, des courants forts et de directions assez variables,il y avait plus de 60 degrés de différence entre ma route sur le fond et ma route vraie. Les vitesses elles aussi changeaient, presque 3 noeuds au total...Il devait y avoir du vent à l' Est le baromètre était à 1012 hpa, signe de variable. Et du fait d'être entre une haute et basse pression. Donc il faut que je fasse de l' Est.
Moteur en marche, après quelques heures, c'est lui qui fait des siennes.
Clairement un problème au niveau de l'arrivée de fuel.
Je change les filtres, nettoie tout le circuit d'alimentation. Et en essayant de purger, rien ne vient du tank, le fuel ne circule plus, pourtant j'ai 3/4 de réservoir plein!
Le problème, c'est que les durites sont serties, pas de colliers de serrage, je ne peux pas faire grand chose,  il y a une vanne, et la crasse se trouve là, c'est sûr.
On passe vite quelques heures à vider les cales, réparer, réfléchir, bref j'ai passé presque deux jours là dessus, en pure perte: pas suffisamment outillé, et peur de faire pire encore. Enfin je vis que le soleil revenait, que le baromètre remontait, que le vent revenait. J'en avais vraiment marre de ce moteur inutilisable, à présent. Finalement j'ai barré tous les jours, avec les batteries éteintes, en économisant l'énergie et chargeant les batteries à fond avec le panneau solaire.
Les "Mac Gaver" (n'est-ce pas, papa?) me trouveront vite la solution, mettre un petit jerrican et alimenter le moteur sans passer par le pré-filtre. 
La vérité, c'est que j'apprécie barrer, je n'utilise que très peu de courant, juste le pilote.
Et de perdre 2 ou 3 jours à réparer, sans compter le bordel que ça engendre, j' ai préféré continuer sans moteur, en l'oubliant, me vidant l'esprit. Ça marche plus, ça marche plus, si je peux avancer alors j'avance.
Je voyais mes vivres diminuer, avec les calmes, la tempête, les calmes, la panne moteur,
il devenait normal de faire escale aux acores.
La météo était bonne pour une semaine, faible vent de face, hé hé,  mais du soleil, donc assez de batterie pour dormir sous pilote automatique la nuit.

Je me sentais de mieux en mieux, loin de tout, si proche d'un essentiel qui compte, la nature, en vie ou il faut s'accrocher, garder espoir. En soi j'étais pas pressé du tout, je n'avais pas envie de m'arrêter, et être à la barre, c'est clair que c'est long par moment, mais j'étais tout le temps dehors, et comme dit avant, c'est rester enfermer qui est dur pour moi.


Jour 32, la barbe pousse, j'ai évacué tout le stress de la ville, tout me parait loin, je règle de mieux en mieux mes voiles, même dans du petit temps je garde une vitesse correcte. Je mets plein de coussins pour me soulager les fesses, et je barre des orteils, il fait ensoleillé la plus-part du temps.
Vu que je suis sans moteur, je n'ai plus de musique, plus de sucre non plus, plus de friandises, pas une goutte d'alcool, sain, j'ai vécu cela comme un carême,ou un ramadan, ou tout simplement comme une cure, de plus en plus zen, m'adaptant avec les humeurs de la mer, voyant la nécessité de transformer tout malheur en bonheur.
Des couchers de soleil magnifiques, des nuits étoilées,où je pouvais voir très bien les nuances des couleurs des étoiles. 

J'ai eu la visite de baleines, pendant un autre calme, magnifique créature.La route se trace à des vitesses faibles, les Açores se profilent au loin. 

L'arc en ciel qui suit, était une porte vers les Açores, il ne me reste que 400 nm à faire, j'ai eu vraiment des vents faibles, ou des grains. Certains moments j'étais vraiment fatigué, toute la journée à barrer, et quand j'espère me reposer, rares sont les fois où rien ne change, et qu'il n'y ait rien à faire!
Alors surgit des averses, une éclaircie, un arc en ciel, une porte sur mon cap.






Les jours continuent de passer,
une petite anecdote, bon, pas très comique sur le moment. Je faisais un pain.
Le premier était une réussite, mais ce jour ci, la galère.
J'avais une recette, et je me suis dit de faire un plus gros pain. Tout va bien jusqu'au moment ou je le pose sur la grille du four pour qu'il gonfle. Et il a gonflé! Débordant de partout dans le four...bon j'enlève tout ce qui est foutu, je nettoie, il est déjà plus petit! Mais il fallait qu'il gonfle encore entre des manoeuvres, et voilà, rebelotte, y'en a encore partout. Bon, je vais pas me laisser avoir, je mets ce qui reste dans un moule à gâteau. Devinez quoi, ce moule est trop petit aussi, vlan, encore la serpillière!
Et quelques heures plus tard, j'ai pu obtenir un pistolet! Il était très bon,et même si il ne l'était pas et bien, il l'était quand même!





36 ème jour de navigation, voiler en vue!
J'ai croisé une dizaine de cargos et seulement un voiler, et puis plus proche des Açores, le voiler qui suit sur la photo ci-dessous, on s'est donné rendez-vous à Horta ! Deux bulgares, qui m'offrirent à manger à leur bord.










Terre en vue!
Terre en vue!


Cela faisait une bonne semaine que j'avais du soleil, mais pas de vent.
Et voilà, au bout de quelques semaines, dont une grosse partie sans moteur ni d'autre moyen que le soleil et les panneaux pour recharger les batteries, l'ile de Faial est en vue.


Mais je devrai puiser encore pour y être amarré!




J'étais à 15 nm de Horta lorsque le vent est monté, régulièrement et que le ciel se plomba de masses nuageuses bien noires...
Le vent venait pile de la direction de Horta, il est monté facilement jusque force 8, de face, avec un courant contraire créant une mer hachée, je louvoyais mais avec les 2 ris, Escale faisait des bords carrés!  La pluie, la fatigue, avec le fait du danger d'approcher la terre, ma veille était active et je n'avais pas beaucoup dormi les dernières 48 heures.




Au bout de 5 à 6 heures de combat, j'ai abattu, et me suis dis que je contournerai l' île pour avoir le vent par derrière dans la baie de Horta et le chenal entre Pico, l' île d'en face à 2nm et Faial.
Au moment de passer le dernier cap, le vent avait sérieusement monté, la visibilité était réduite, des pluies violentes, des rafales puissantes.
Il y avait des cargos, et je n'y voyais rien, à de nouveau tirer des bords pour m'engager dans le chenal.
Je peux dire que j'étais à bout, il ne restait qu'une poussiere de milles, mais c'était les plus longs!
Avec le courant , j'ai du tirer des bords plus au large, et de là, j'ai fait une estime pour prendre l'entrée entre les deux  iles.
 Les photos qui suivent sont avant le grain final, je contourne la partie de l'ile  sous le vent.









Voila, j'y suis, à coté de la marina, et juste une éclaircie au dessus du volcan de Pico, avec un petit arc en ciel comme clin d'oeil! Après avoir été rincé comme pas possible, je demande à la VHF (radio) de pouvoir rentrer à la voile.
Il me refuse cette option et me propose de me faire remorquer pour 65 euros, j'ai accepté un peu plus tard quand j'étais bloqué car le vent est tourbillonnant, plus du courant, bref du sur place et impossible de garder les voiles gonflées. Je n'aurais pas pu faire une entrée à la voile.




Horta, vue de l'estuaire.
J'ai passé 10 jours là-bas, il a plu huit jours non stop...moi qui espérais être au sec, raté!
Les journées ont passé aussi vite que sur l'océan, retapant d'abord mon moteur, remplaçant la capsule du prefiltre et des raccords. J'ai pu refixer les batteries, qui pendant le dernier coup de grain à l'arrivée,  avaient à nouveau bougé, l'une d'elle avait perdu un peu d' acide, rendant le nettoyages des fonds plus piquant. J'en fus quitte avec une main bien rouge!
J'ai révisé tout le gréement, changé tous les points de ragages, surlié tous les bouts,  monté au mat:  il n'y avait rien d'anormal.




Le temps passa vite, à courir aux magasins, réparer, arranger, et...ranger.
Je suis allé au café Sport chez Peter, je ne savais plus ce que c'était que de mâcher de la bonne viande, s'enfiler un bon steak!
J'y ai laissé un fagnon d'un club nautique Hollandais, la première escale d'Escale!
De belles rencontres se sont faites, j'ai même eu le temps de laisser une marque de passage sur le quai.





Avant d'arriver aux acores, avant que le vent ne grimpe, j'ai pu avoir une sacrée chasse en spectacle! 
En fait c'est à Horta qu'un marin m'expliqua ce que j'avais vu:  en mer, d'un coup plein de pétrels se sont mis à pousser des cris tonitruants, et puis j'aperçu pleins de dauphins à l'horizon, c'était un vrai remue-ménage, que se soit dans les airs ou dans la mer. Je criais sur les oiseaux, croyant qu'ils attaquaient les dauphins.
Et donc en fait c'est une chasse, les oiseaux repèrent un banc de poissons, les dauphins les encerclent et la chasse est lancée!




Ah, ça c'est le petit bar de la marina, ou se trouvent les douches grand luxe,
et en attendant la lessive, quoi de mieux que de bonnes frites et un hamburger géant!
Tout en bavardant avec les équipages, nous racontant nos traversées, qui avaient l'air d'avoir été dures pour tout le monde...
Beaucoup de casse, peu de vent, beaucoup de moteur, la vie de marin!






Le fameux quai des Açores, il est de bon ton d'y laisser une petite peinture en guise de passage...





Et voila ma marque, à l'avant-plan.
Autant dire que j'ai râlé, quand au large je me suis remémoré que je n'avais pas fait gaffe à la date...
Je suis parti le 29 mars et non le 29 avril.. Il faut que je retourne las-bas rectifier cela!
Je devais vraiment être à la masse...










Et voila je suis reparti!
15 mai, l'île de Faial disparaît à l'horizon, le bateau est vérifié, le dernier jour fut ensoleillé, donc bateau sec, le moteur tourne nickel, il fait beau, j'avance bien, la route s'annonce pas mal.













L'ambiance était assez sportive, du près, du vent 25 à 30 noeuds, les premières journées passèrent vite,
de bonnes vitesses, au moins le vent était régulier et j'avançais, même si ce n'est pas l'allure la plus confortable de vivre penché!
Je m'étais acheté plus de friandises qu'en Guadeloupe, je me faisais plaisir en mangeant des choses dont je rêvais pendant la première nav, comme du fromage, des friandises, du beurre de cacahuètes avec du Nutella, miam-miam. Peut importe les conditions!


Beaucoup de baleines, il m'est arrivé plusieurs fois de devoir changer mon cap au dernier moment.
Plusieurs fois, le risque de collision fût présent! Si j'étais sous pilote, en train de dormir, allez savoir si je ne me serais pas pris l'une d'elles!


Les choses commencèrent à empirer...par le génois. La chute était assez endommagée, des débuts de déchirures sur tout le long. Du coup j'étais sous solent, seule autre voile.
Je recousais pendant des heures des patchs sur les points sensibles.
Ce génois est assez grand et prend vite toute la place à l'intérieur, à cela vous rajoutez la gîte, et oui la vie était sportive. Je me dépêchais d'en finir avec les réparations.

Les choses ont continué à empirer lorsque mon pilote automatique ne voulu plus rien savoir.Le répétiteur non plus, du coup j'ai vérifié les connexions, je les ai nettoyées, séchées, ouvert l'instrument pour constater que celui-ci était humide. J'ai essayé de le sécher. Rien à faire! Inutilisable. Je pense que les circuits électroniques sont niqués...La solution était de barrer puis caler la barre et mettre  à la cape pour dormir.Le vent montait, au coup de vent, une jolie dépression. Même en m'arrêtant pour dormir je faisais des journée de 70 à 80 nm.
Et la nuit du 22 avril, j'étais sou cape, le solent presque entièrement enroulé, je venais de m'endormir lorsque j'entendis un bruit de claquement. Le bas hauban tribord était sur le pont.
Il y avait de la mer, le mat se pliait sous le roulis des vagues, j'ai frappé une drisse sur le taquet avant, une autre à l'arrière, essayant de solidifier.
Le choc était fort, à chaque fois que le mat se pliait, les haubans encore en place se faisaient mous, et se retendaient violemment lorsque le mat redevenait droit.
Je savais qu'il allait tomber d'une minute à l'autre. Au lever du jour je pu apercevoir que le mat était déjà fêlé et presque brisé. Je me suis dépêché pour enlever le solent, la grand voile.
Au moment ou j'ai retiré la bôme, le mat est tombé en deux parties.
Sans être affolé, j'ai réussi à tout mettre sur le pont, la clé de sortie, c'était d'être et...rester calme. Le bateau bougeait dans tous les sens, je savais que le plus important c' était moi, ne pas me blesser, ni tomber au jus.
Je ne vais pas détailler tous les efforts pour fixer le mat au bateau dans des creux de 5 mètres. Dans ces moments là on se surpasse, et pis c'est tout.
J'ai téléphoné à Phil, et à mon père. Et que pour le moment je réfléchissais et que je dérivais par chance sur l'Espagne. terre la plus proche à 430nm.
Deux jours de dérive, les vagues trop grosses pour faire du moteur, le choix était faible en option.
J'ai pris tout ce que je pouvais pour faire un gréement de fortune, je n'ai jeté à la mer que le haut du mat et les barres de flèches, l'enrouleur aussi, mais c'était nécessaire. Il risquait d'érafler la coque pendant le démâtage. J'ai tout retiré, les haubans, les drisses, le réflecteur radar, le tangon, bref vraiment tout ce qui pouvait encore servir.


Il y eu un moment où j'ai rigolé de colère. Après le démâtage, une fois tout rangé, je voulais un café.
Au moment ou je pose la bouilloire sur la cuisinière, et bien c'est elle qui tombe! A son tour!  Une des vis de support, qui le maintient et permet sa rotation au roulis était rouillée, elle tombait en poussière, le cardan ne tenait plus. Bon le café attendra, j'en ai ris...jaune!
Je me demandais si la prochaine avarie ne serait pas le gouvernail. Tant qu'à faire, quand tout pète...




Le deuxieme jour après l'avarie, quand le vent était encore fort, force 6, une visibilité mauvaise,
J'ai vu un cargo au loin. J'avais eu comme info météo qu'une deuxième dépression arrivait. Avec cette  faible visibilité,  je pensais que ce cargo me fonçait dessus!
Je l'avoue, j'étais au bout des mes forces, j'avais froid, la gazinière cassée, le sentiment d'arriver dans le rouge, j'avais enfin peur, peur de me faire couler par un cargo pendant un assoupissement, avec la houle, je savais qu'ils ne me verraient pas...
Alors j'ai envoyé une fusée parachute, mais...aucun effet.


J'ai lancé un Pan Pan, à l'aide de ma petite vhf portable, qui d'ailleurs devait être chargée, mais pour combler le tout, c'est la prise 12v qui avait fait défaut, à présent! La charge n'était pas accomplie à fond....
Au bout de 20 minutes, enfin, une réponse!
J'ai du répéter ma position plusieurs fois, et le cargo enfin infléchissa sa route pour se dirigea vers ma zone.
Dans l'action,  j'avais enfourné mon livre de bord, les papiers du bateau, mes papiers personnels, comme si je devais quitter le bord.
Dans ma tête, l'idée de quitter Escale me donnait mal au coeur, et je me sentais lâche.
Le capitaine du cargo me demanda en quoi il pouvait être utile, quelle assistance pouvait-il me donner?
Je repondis du fuel, 200 Litres. C'est tout, là, j'avais pris ma décision, je ne quitterais pas Escale, pas comme cela! C'était le fuel dont j'avais besoin pour joindre la terre la plus proche.
Aucune hésitation de sa part, il arriva une heure plus tard sur les lieux.
Une fois arrivé, il se mit à la cape à mon vent, comme un grand mur de protection, et je mis le moteur en marche pour le rejoindre.
La mer était forte, j'observais les matelos sur le pont, les officiers sur leur passerelle, bien plus haut.
Escale devait ressembler à un sous marin...j'arrivais au moteur vagues de face, dans une pluie battante.
Pendant plusieurs heures, j'ai longé le cargo, en récupérant des jerrycans de fuel accrochés à la queue leu-leu à un bout , que je devais récupérer, je suis fier de mes manœuvres, car aucune fois je n'ai touché le cargo, et en tout j'ai remonte 250 L de fuel. J'étais épuisé,trempé, mais cela ne faisait rien. C'était un combat, mais j'en avais besoin. L'équipage me regardait, me prenait en video, me lançait des regards d'encouragement, des gestes de motivation, et je pouvais voir un respect général.
Le dernier chargement fut de la nourriture et de l'eau, au cas ou le moteur venait à me planter et que seule la dérive et une voile de fortune me permettraient de rallier la terre, que je risque de passer un long moment en mer.
Des grands gestes d'adieu, deux coups de sirène énormes, une larme à l'oeil. Au fond de moi, je savais que j'étais sauvé, maintenant à moi de jouer et de barrer un maximum, pour retrouver la terre au plus vite.
Le capitaine avait fait suivre son rapport et ma demande à sa compagnie, qui téléphona à mon père le sur-lendemain, expliquant que j'étais  sain et que je serais sauvé bientôt, car je me dirigeais avec suffisamment de carburant, de vivres et d'eau, au moteur, vers l'Espagne, La Corogne.
Le cargo, YULIA, disparu petit a petit à l'horizon. Moi je me suis mis à manger du pain, rangeai tout l'intérieur, et dérivai 24 heures le temps que la mer se calme, pour pouvoir faire du moteur.












Je ne sais pas comment j'ai fait, pour tenir à la barre de si longues heures, au fond de moi-même, je préférais me fatiguer et arriver le plus vite que de dériver, et de passer trop de jours en avarie au beau milieu de l'océan.




Après les dépressions , retour du soleil, vent de face très faible.
Tout était prêt pour naviger sous gréement de fortune, mon système était de laisser la voile sur la bôme, et de la hisser sur le reste du mat , à l'envers, et dont les oeillets des prise de ris auraient été les points d'écoute d'une voile rectangulaire, voile de brick (ou romaine). Mais Dans les vents forts, au portant, car de face le système n'aurait pas été efficace pour louvoyer.




L'Espagne approche, je passe une zone de traffic, nombreux sont les cargos, les dernières 48 heures auront été assez pauvres en sommeil!
Par contre, les dauphins étaient présent presque tout le temps, à jouer comme des fous, moi j'étais tout concentré sur les cargos, et eux faisaient la fiesta à mes côtés...
 J'avais placé le réflecteur de radar sur le tangon, en espérant qu'on me détecte au radar. Mais les derniers milles, je n'osais plus dormir.










Et voila, cette histoire se termine, au levé du soleil du 29 mai, La corogne se dessine à l'horizon,
presque pas de vent, une mer d'huile, pleins de mouettes, encore quelques dauphins!
J'hésitais presque à rentrer! La mer si calme quand tout se fini, mais je savais que ce n'est que de la drague, il fallait que je sois fort, que je m'arrête, impensable de traverser le Gascogne comme ça!
J'ai du résister, aussi fou que cela puisse paraître pour vous, à ne pas continuer mais de toucher terre!






Un dernier petit combat dans la baie, de nouveau courant de face, j'avais fort froid, de fatigue,
j'avais l'impression de faire du sur place.
Les 4 dernières heures me semblaient une éternité, il ne fallait pas grand chose de plus, pour m'achever.


Et puis le port se dessine, je rentre dans la marina, 5 metres,3,2,1,  à terre! Je suis sauvé, j'ai sauvé Escale, Je la regarde, je vois un marin qui me demande ce qui s'est passé,
j'explique, et je me jette dans ma banquette. 24heures de sommeil!







Je ne serai pas resté longtemps à la Corogne, je me serai juste occupé d'Escale, de tout ranger, de la sécher au maximum, et bientôt elle sera réparée, elle reprendra la mer, confiante en son gréement, à parcourir les ESCALES!















1 commentaire:

  1. Chapeau!
    Un trés beau récit d'une magnifique aventure.
    C'est bien de garder de l'humour même quand les conditions n'incitent pas à rigoler.
    Bravo!

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